Prostituée mais aussi star du X, Nadia, de confession musulmane, a conté au Mouvement du Nid, association de soutien aux personnes prostituées en France, sa terrible expérience des années qu’elle a passées dans la pornographie.
Son récit (suite)
Un producteur m’a obligée à mettre le pied d’un type dans mon sexe et à lui enfiler une capote. Un autre m’a uriné dans la bouche alors que je lui faisais une fellation. J’avais dit : pas de scato, pas d’uro, pas de zoophilie. Il a fallu que je me batte sans arrêt. J’ai connu une fille qui s’est suicidée après avoir tourné des scènes avec un chien. Le truc tournait sur Internet.
Elle avait 18 ans. Et puis il y a la cocaïne. Tout le monde en prend. On nous en propose gratuitement pour rester mince… Une actrice m’a mise en garde. A un moment, j’en ai pris, mais j’ai arrêté au bout de trois mois. En plus de la coke, tous les hardeurs se shootent au Viagra et se font des piqûres dans la verge. Ce qu’on subit est d’autant plus violent ; des fois, c’est un carnage. Beaucoup de hardeurs aiment le sexe et sont fiers de leur image virile.
Pour tenir, il faut le voir comme une performance sportive. On appelle ça performeuse d’ailleurs. Pour ne pas se suicider, il faut un mental de fer. Même les salons… Il faut tenir de 14h à 4h du matin sur des talons de 12 cm, faire des photos, des shows, aguicher les types. C’est épuisant. Je ne pouvais pas flancher, j’avais ma fille. Je me souviens que même un lendemain de viol, j’ai traversé la France en train pour être avec elle à 9h du matin. J’avais une grande gueule, sinon au m’aurait écrasée. J’exigeais des préservatifs par exemple. Les producteurs demandent des tests HIV, j’en faisais toutes les semaines.
Mais je me souviens d’une fille pleine de coke sur qui tous les types de la soirée sont passés sans capote. Un jour, un réalisateur m’a expliqué que si on me violait, le mieux c’était de ne rien dire pour que ça ne tourne pas encore plus mal. Justement, j’ai été violée juste après, j’ai trouvé ça troublant. Après un tournage, on m’avait donné rendez-vous dans une boîte échangiste. Il y avait 22 types qui m’attendaient. Je suis restée passive, pour que ça aille vite. Après j’ai porté plainte mais j’ai mis fin à la procédure parce que les déplacements étaient à mes frais. En plus, le juge m’a dit : Mais vous avez demandé que les hommes mettent une capote ? Vous étiez donc consentante ?
On décourage les gens de demander justice
Lors de mon viol collectif dans cette boîte, chaque mec devait payer une bouteille de champagne. La bonne affaire… Dans les salons, l’entrée peut être à 25€ et la bouteille de champagne à 50. Le racket est partout. C’est un milieu de voleurs. Il y a des liens entre la prostitution, la pornographie et les milieux échangistes.
Les rendez-vous de prostitution se prennent couramment sur les lieux de tournage. L’un des producteurs pour lesquels j’ai travaillé a été condamné pour proxénétisme sur sa femme. Ceux qui avaient organisé mon viol par les 22 types dans la boîte échangiste ont été jugés aussi, parce qu’il y avait une mineure.
Star du X, un argument de vente pour la prostitution
Un jour j’ai vu une émission de télé sur la prostitution. Ça m’a donné l’idée d’essayer. J’y suis allée en jean baskets. C’était occasionnel, je n’avais pas de mac mais je payais 600€ à deux équatoriennes pour travailler dans leur appart. Elles bossaient H24, sept jours sur sept, pour envoyer de l’argent en Équateur et en Espagne. Elles dépensaient une fortune en Botox et en frais d’esthétique. Une fois, j’ai passé une semaine dans un bar en Belgique. Il fallait refiler 70% au tôlier. J’ai vu des mineures, des droguées… Je suis vite retournée au trottoir. Dans la prostitution, je me suis aperçue que d’être actrice porno était ma meilleure pub.
Les clients m’avaient vue dans les films. Pour eux, j’étais une hardeuse professionnelle, une vraie chienne, pas une vénale. En parlant des autres, ils disaient Elle, elle a un mac ; tandis que toi t’aimes ça, je le vois dans tes films. Je ne disais rien, il ne faut jamais dire la vérité, ne pas trahir le secret. Sinon on perd tout. Très jeune, j’ai compris qu’avec le sexe, j’aurais du pouvoir sur les hommes. Le père de ma fille, tout ce qu’il voulait c’était du sexe. Quand j’ai été enceinte, il a voulu que j’avorte. Le type avec lequel j’ai vécu trois ans, et qui me faisait croire qu’il m’épouserait, c’était juste un sex addict [3]. Chez les clients, il y en a beaucoup. J’en ai vu qui venaient deux fois par semaine, et même tous les jours, à 100€ la passe ! Et j’ai vu des types débourser jusqu’à 750€ par mois pour être abonnés à des sites porno. Les clients viennent demander ce qu’ils ont vu dans les films. Les pires c’est les jeunes, ils veulent du hard, de la sodomie.
Ils prennent des substances pour que ça dure plus longtemps. Ces hommes, ils ont tout le temps besoin qu’on les rassure, qu’on leur dise c’était super ! Je suis tombée sur des drogués, des violeurs. Je me souviens d’un qui m’a expliqué qu’il avait déjà violé une prostituée ; il disait qu’il était devenu fou à force de payer la même fille ; il avait compris qu’elle n’en voulait qu’à son fric. Il y en avait un autre qui voulait que je l’étouffe avec un sac plastique. Dans ces cas-là, je savais que j’avais affaire à quelqu’un qui pouvait me tuer. Pour tenir, il faut être capable de rester stoïque.
Dans la prostitution comme la porno, il ne faut jamais montrer de faiblesse. Dans la prostitution, ce qui est dur aussi, c’est le regard des autres. Quand on essaie de vous embarquer dans le porno, on vous fait croire que c’est plus chic. En réalité, nos orifices sont vendus pour 99 ans, c’est pire. Quand j’étais dans la prostitution, je claquais tout. Je gagnais 100, je dépensais 200. J’avais besoin de sortir, de décompresser.
On ne choisit pas d’être pute. Pendant trois ans, j’ai arrêté parce que j’avais trouvé un type qui m’entretenait. Et puis en 2014, j’ai pété un câble. J’ai acheté deux boites de Xanax et une corde pour me pendre. Mais avec le Xanax, je me suis seulement évanouie. J’ai écrit à ma fille un message : Je suis une pute. Je l’avais abandonnée, elle était devenue pupille de l’Etat. Après j’ai paniqué : elle ne va plus m’aimer
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